L’édition 2013 de « Plumes Croisées » s’est intéressée à la question de la violence et de la corruption dans trois Etats d’Amérique Centrale, à savoir le Guatemala, le Honduras et El Salvador. Ces trois pays font actuellement face, et ce depuis la fin des conflits qui les ont frappés durant la guerre froide en raison des jeux de pouvoirs que se ont mené les Etats-Unis et l’URSS sur le continent latino-Américain, à une criminalité très importante et se substituant partiellement au pouvoir régalien des gouvernements en place.
Le degré de violence atteint dans ces trois Etats des sommets inégalés jusqu’à alors. Ils sont aujourd’hui considérés comme étant les Etats les plus violents au monde. Ainsi, le Honduras et El Salvador occupent actuellement la première et la deuxième place des pays ayant le plus haut taux d’homicides intentionnels au monde avec respectivement 91.6 et 70.2 homicides par 100'000 habitants pour l’année 2011. Le Guatemala les suit de très peu (38.5) et le taux d’homicides intentionnels y atteint dans certaines villes un taux de 165 homicides par 100'000 habitants par années.
Ce n’est qu’en 1996, avec la signature des accords de paix par le Guatemala, que ce termina les conflits qui ravagèrent l’Amérique centrale pendant la deuxième moitié du XXème siècle.
Bien que ces accords de paix fussent un grand pas dans la pacification de l’Amérique centrale, les années de conflit laissèrent une empreinte profonde dans les rapports sociaux. En effet, reliquat de ces années de guerre, la violence au sein des villes devint un véritable problème de société à partir de la fin de cette époque de troubles interétatiques.
Le processus d’Esquipulas, lancé en 1986 par le président costaricain et futur prix Nobel de la paix Oscar Arias Sànchez et qui initia le processus de paix en Amérique centrale, prévoyait la réinsertion sociale des forces irrégulières des différentes armées impliquées dans les conflits. Des lois d’amnistie avait été ainsi promulguées au bénéfice des combattants de toutes les factions ayant été impliquées dans les combats ayant ravagés le centre du Contient Américain. Tant le Contras nicaraguayen que le FMLN salvadorien ou l’URNG guatémaltèque devinrent des partis politiques.
Cependant, force est de constater que cette conversion des soldats à la vie civile ne s’est pas faite sans heurts. En effet, nombres de ses anciens militaires n’avaient connu que la guerre et dès lors se sont retrouvé en marge des sociétés. Ils reprirent donc leur activité principale, soit l’exercice de la violence. Néanmoins, ils le firent cette fois pour le compte d’armées privées de narcotrafiquants, de milices au service de grands propriétaires ou encore organisèrent des bandes de crimes organisées.
Ces développements ont fortement contribué à développer le recours à la violence dans les pays d’Amérique centrale, déjà que trop présent au sein de la société civile durant les années de guerre. Il est même considéré que s’en est la cause principale. La violence institutionnelle avait, dès lors, été remplacée par la violence criminelle.
Par ailleurs, comme il en va souvent de pair, l’augmentation de la violence organisée s’est accompagnée en Amérique centrale d’une augmentation drastique des cas de corruption avérés. Cette corruption généralisée mine les sociétés et la confiance décroissante de la population en ses institutions est une véritable source d’inquiétude.
Cette mutation des comportements sociétaux est actuellement un défi pour les sociétés d’Amérique centrale car celles-ci doivent apprendre à trouver des alternatives à l’utilisation de la violence afin de pacifier la population civile et éliminer l’utilisation quotidienne de la violence en son sein.
Comme c’est le cas chez ces homologues d’Amérique centrale, l’Etat guatémaltèque a vu les cas de violence au sein de la société augmenter ces dernières années. On ne dénombre pas moins de 5'174 cas de morts violentes pour l’année 2012, ce qui place le pays au cinquième rang mondial des pays les plus violents. Ces chiffres démontrent bien la priorité que représente ce problème pour le respect des droits de l’homme.
Autre problème touchant les droits de l’homme au Guatemala, le respect de la propriété, notamment la propriété foncière des populations locales, est sérieusement malmenée. Dans le cadre d’un vaste processus d’installation d’entreprises de minage, d’installations de central hydroélectrique et d’autres projets à caractère industriel, la consultation de la population civile fait souvent défaut. Malgré une mobilisation de la communauté internationale afin de pousser le gouvernement guatémaltèque à plus de respect des droits fondamentaux dans ce domaine ainsi qu’un appel aux multinationales afin que celles-ci se conforment aux normes internationales, la situation reste inchangée depuis plusieurs années.
Comme dans de nombreux autres Etats, le problème de l’impunité reste aussi très présent au Guatemala. Celui-ci fait en effet montre d’une retenue dans la volonté de poursuivre les violations graves des droits de l’homme qui prirent place durant les années de guerre ainsi que, en raison notamment de la corruption, des crimes étant commis au sein de la société actuellement.
La protection des défenseurs des droits de l’homme retient aussi l’attention quant au contexte guatémaltèque. En effet, l’Etat, et ce malgré des appels répété de la Haut-Commissaire aux droits de l’homme, échoue à adopter des mesures effectives de protection des défenseurs.
Finalement, il est impossible de ne pas évoquer la situation des peuples indigènes. Ceux-ci font face à une discrimination systématiques et reste de loin la proportion de personnes vivant dans la misère la plus importante. Ils sont, de plus, les individus les plus sévèrement touchés par les mesures du gouvernement visant à l’installation de multinationales dans le pays.
La violence au sein de la société est au centre l’attention et de l’agenda politique au Honduras. Cependant, elle n’est que l’une des sources d’inquiétude que peut susciter cet Etat dans le cadre du respect des droits de l’homme.
En effet, la situation des défenseurs des droits de l’homme, question devenue centrale au sein des institutions internationales et faisant aussi partie des priorités de la Suisse en matière de politique de protection et de promotion des droits de l’homme, y est plus qu’inquiétante. Ceux-ci sont régulièrement menacés, battus ou même exécutés. Ces crimes restent malgré tout pour la plupart impunis.
Les droits sexuels et reproductifs font aussi l’objet de violations particulièrement grave au Honduras. En effet, non content d’avoir interdit le recours à l’avortement dans l’ensemble des circonstances, le gouvernement hondurien a récemment interdit le recours à la pilule contraceptive d’urgence, ou pilule du lendemain, devenant ainsi le premier pays au monde à criminaliser une méthode de contraception.
Finalement, la situation des prisons, directement corollaire de l’ampleur de la violence au sein de l’Etat, est elle aussi préoccupante. Celles-ci sont surchargées et les conditions de salubrités des bâtiments ainsi que la violence qui y règne sont la source de plusieurs centaines de morts chaque année.
Actuellement, le principal problème des droits de l’homme au El Salvador reste le problème de l’impunité, tant relatif à la vague de violence que connait le pays actuellement qu’aux douze années de guerre entre 1980 et 1992 qui ont précédés la paix entre Etats en Amérique centrale.
De plus, le taux de morts violentes ainsi que la puissance grandissante des entreprises criminelles au El Salvador, entre autre acquise par la corruption, font craindre une dégradation de la situation pour les années à venir.
Autre source d’inquiétude, les violations courantes et institutionnalisées des droits reproductifs sont d’une ampleur croissante. En effet, la commission d’un avortement reste un crime au El Salvador étant condamné par la prison, et ce en toutes circonstances. Il n’existe aucune justification médicale pouvant autoriser celui-ci, que la vie de la future mère soit en danger ou pas.
Finalement, le système judiciaire salvadorien est lui aussi une source de préoccupation. En effet, depuis avril la modification des modalités d’élection des juges, notamment ceux de la Cour Suprême salvadorienne fait craindre une perte de l’indépendance judiciaire. Ceci est particulièrement problématique si l’on tient compte de la corruption qui gangrène déjà le système.
L’objectif des caricaturistes lors de cette 5ème édition de « Plumes Croisées » était de mettre en exergue l’ampleur de la violence ayant actuellement cours en Amérique centrale ainsi que la corrélation directe qu’il existe entre celle-ci et l’ampleur de la corruption à laquelle fait face ces pays, notamment dans le cadre de d’administration de la justice.